La décision de la Cour d’appel du Luxembourg du 11 janvier 2024 a soulevé d’importants doutes quant à la portée territoriale de la loi luxembourgeoise du 5 août 2005 sur les contrats de garantie financière, telle qu’amendée (la “Loi sur les Garanties Financières“), notamment en ce qui concerne la protection accordée par l’article 20(1) dans les cas de procédures d’insolvabilité ouvertes en dehors de l’Espace économique européen (“EEE“). Dans cet arrêt, la Cour d’appel a décidé que l’article 20(1) de la Loi sur les Garanties Financières ne s’appliquait pas aux procédures d’insolvabilité non européennes, refusant ainsi la protection des contrats de garantie financière dans de tels cas.
L’article 20(1) stipule que “Les contrats de garantie financière d’avoirs ainsi que les faits entraînant l’exécution de la garantie, les contrats de compensation et les modalités d’évaluation et d’exécution convenues entre les parties conformément à la présente loi sont valables et opposables aux tiers, commissaires, curateurs, liquidateurs et autres organes similaires nonobstant l’existence d’une mesure d’assainissement, d’une procédure de liquidation ou la survenance de toute autre situation de concours, nationale ou étrangère“. La Cour d’appel a toutefois estimé que l’expression “étrangère” était limitée aux juridictions de l’EEE, étant donné que la Loi sur les Garanties Financières était dérivée de la directive 2002/47/CE (la “Directive sur les Garanties“), qui visait à harmoniser les contrats de garantie au niveau européen.
Dans l’affaire en question, une procédure d’insolvabilité avait été ouverte à l’encontre d’une société ivoirienne, et la Cour d’appel a conclu que les protections de l’article 20, paragraphe 1, ne s’étendaient pas à cette procédure. Cette interprétation s’écarte de la conception commune des juristes, qui considéraient auparavant que les procédures “étrangères” visées à l’article 20, paragraphe 1, englobaient toute juridiction non luxembourgeoise, indépendamment de l’appartenance à l’EEE.
Cette décision a créé une grande ambiguïté pour les créanciers et contredit l’objectif fondamental de la Loi sur les Garanties Financières, qui est de faire du Luxembourg une juridiction mondialement attrayante pour les contrats de garantie financière. En réponse, le gouvernement luxembourgeois a proposé des amendements pour clarifier l’intention initiale du législateur. La loi du 15 juillet 2024 relative au transfert de crédits non performants a introduit une mise à jour critique de la Loi sur les Garanties Financières, en définissant explicitement les procédures “étrangères” comme celles provenant de n’importe quel État, qu’il fasse partie de l’EEE ou non.
Près d’un an plus tard, le 19 décembre 2024, la Cour de cassation luxembourgeoise a annulé la décision de la Cour d’appel. La Cour de cassation a jugé que l’article 20, paragraphe 1, de la Loi sur les Garanties Financières, dans sa version antérieure aux modifications de 2024, ne faisait pas de distinction entre les pays de l’EEE et les pays non membres de l’EEE. La Cour de cassation a souligné qu’une telle distinction contreviendrait au principe selon lequel les lois ne doivent pas faire de discrimination à moins d’être explicitement énoncées. Elle a également noté que l’intention du législateur était d’étendre la protection des créanciers au-delà du champ d’application de la Directive sur les Garanties, soulignant ainsi l’engagement du Luxembourg en faveur de la sécurité juridique dans les contrats de garantie financière. Cette décision de la Cour de cassation a rétabli la confiance dans la Loi sur les Garanties Financières, renforçant ainsi le statut du Luxembourg en tant que juridiction sécurisée pour les sûretés financières.
En outre, un arrêt antérieur de la Cour d’appel du 19 janvier 2023, dans la même affaire, traitait de l’application rétroactive de la Loi sur les Garanties Financières aux contrats de garantie financière conclus avant sa promulgation. Dans cet arrêt, la Cour d’appel a jugé que la Loi sur les Garanties Financières s’appliquait à un contrat de gage daté du 3 mai 1994, malgré l’existence d’une procédure d’insolvabilité ouverte en 2002, ce qui souligne une fois de plus le champ d’application étendu de la loi. Cette décision n’a pas été contestée par la Cour de cassation, qui a déclaré que “l’annulation par voie de conséquence résultant de la cassation d’une décision de justice n’affecte que les actes postérieurs à la décision cassée, sans produire aucun effet sur les décisions antérieures”. Par conséquent, la Cour d’appel a décidé qu’il n’y avait pas lieu d’étendre le champ de la cassation à l’arrêt de la Cour d’appel du 19 janvier 2023.
Ces décisions réaffirment collectivement les solides protections offertes par la loi luxembourgeoise sur les sûretés et sa capacité à s’adapter à l’évolution des défis juridiques, garantissant ainsi son attrait continu dans le domaine de la finance internationale.